Déclaration du Réseau Femmes sous lois musulmane sur les violations des droits des femmes dans le conflit au Mali

Le Réseau Femmes sous lois musulmanes (WLUML) exprime sa profonde inquiétude face à l’escalade de la violence au Nord Mali. Les associations féminines, les ONG, diverses organisations des droits humains nationales et internationales et du système des Nations-Unies, ainsi que les media nationaux et étrangers n’ont cessé d’en relayer les nouvelles. Elles ont rendu compte des exactions terribles que subissent les populations locales, depuis le début du conflit armé qui a vu la sécession gagner le Mali. Elles n’ont cessé de dénoncer, en particulier, les violences physiques, morales et sexuelles perpétrées contre les femmes.

Ce conflit a de plus en plus fragilisé une région qui, malgré ses richesses minières considérables et sa position géostratégique privilégiée entre l’Afrique au nord et au sud du Sahara, reste éprouvée par un environnement physique et climatique sévère, un sous-développement structurel fruit d’une gestion désastreuse des ressources naturelles et humaines de tout le Mali, par l’État. L’insécurité chronique qui y règne est liée à la présence de divers groupes engagés dans toutes sortes de trafic (contrebande, prise d’otages, trafic humain, narcotrafic, …). Les tentatives de sécession de la région nord et l’occupation de cet immense territoire par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et des terroristes ‘islamistes’ ont mené le pays au bord de l’explosion. Ces évènements affectent non seulement l’ensemble du Mali, mais aussi les États environnants d’Afrique de l’Ouest (d’où l’intervention armée de certains d’entre eux, comme le Tchad et le Niger), tout le Maghreb, plusieurs pays au Moyen-Orient et en Asie musulmane. Leurs ressortissants figurent parmi le jihadistes dont les groupes ont pour nom Ansar Dine, Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), Boko Haram, etc. L’Europe sent ses frontières et ses intérêts stratégiques menacés, d’où l’irruption militaire de la France (opération Serval) dénoncée par les Frères musulmans en Égypte, par exemple.

Cette grave crise politique qui sévit au Nord, comme au Sud du Mali, victime d’un coup d’État militaire (mars 2013) et dirigé par un gouvernement de transition, ne devrait pourtant pas faire oublier les violations actuelles des droits humains et des libertés individuelles des populations en général et des femmes en particulier.

À cet effet, le Réseau Femmes sous lois musulmanes (WLUML) exhorte les autorités du Mali à prendre conscience d’un certain nombre d’impératifs:

1. Protéger les femmes et les enfants contre les menaces Islamistes

Une année de sécession et d’occupation du Nord-Mali (2012) par des groupes armés imposant l’application de lois musulmanes, interprétées à leur guise, sur le territoire conquis et l’exigeant sur tout le Mali, comme condition préalable à toute négociation de paix, a profondément déstabilisé un État déjà meurtri au nord comme au sud. Des exactions d’une extrême violence ont été commises « au nom de Dieu » : régime de terreur, port forcé du voile, viols et mariages forcés, lapidation pour adultère, amputation des mains et pieds pour vol, coups de fouets publics, interdiction de la mixité des espaces, suppression des loisirs (musique, spectacles, sport, …), destruction d’équipements administratifs, scolaires, commerciaux et sanitaires, actes de vandalisme sur des monuments religieux, vol et pillage des fameux manuscrits de Tombouctou, enrôlement de jeunes et d’enfants-soldats, etc...). Ces exactions ont forcé des centaines de milliers d’habitants à fuir vers Bamako et le reste du pays et vers des contrées voisines où elles vivent dans des conditions dangereuses et précaires. Le quotidien EL Watan se faisait l’écho d’un viol collectif, survenu en février 2012, à Oran, sur de jeunes Maliennes.

Le gouvernement malien a constamment rejeté la revendication politico-religieuse islamiste au nom de la laïcité de l’État, inscrite dans la constitution malienne, depuis l’indépendance (1960). Au nom de ce même principe de laïcité, le Réseau WLUML engage vivement le gouvernement à réviser le code de la famille rétrograde et discriminatoire, adopté en fin 2011, sous la pression virulente d’associations islamistes locales. Celles-ci avaient exprimé, lors de violentes manifestations publiques, leur profonde aversion pour le code adopté en 2009.  Fruit d’une longue concertation (dix ans) entre les différents acteurs sociaux, politiques et religieux du malienne, ce code, sans pour autant consacrer l’égalité entre les sexes, accordait aux femmes des droits citoyens garantis par la Constitution malienne et les conventions internationales du Mali, auxquelles le Mali, État laïc, avait souscrit.]

2) Protéger les femmes des violences physiques, sexuelles et morales

Les faits de violence multiformes ont été relatés par de très nombreuses sources gouvernementales et associatives. Le corps des femmes devient un site de lutte : viols, mariages précoces, forcés, précaires ; prostitution, migrations forcées, … Les évènements de Kidal défraient la chronique : nouvelles d’assassinats et même de tentatives d’épuration ethnique, de vols et de viols, de répressions. L’armée malienne, empêchée d’entrer dans Kidal lors de la reconquête du Nord par les armées françaises et africaines, bataille vers la ville, alors que le gouvernement et les groupes séparatistes (Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), du Mouvement islamique de l’Azawad (MIA), Haut conseil de l'Azawad (HCA) discutent, à Ouagadougou (Burkina Faso) discutent des conditions d’une paix, indispensable pour recouvrer l’intégrité du territoire national et aller aux élections présidentielles.

Le Réseau WLUML presse les autorités civiles et militaires et les belligérants de faire cesser ces violences et tortures condamnées par les législations internationales ; de prendre des mesures effectives de protection des femmes et des populations ; et de mettre fin à l’impunité des crimes et viols commis par les deux camps.

3) Associer les femmes à la résolution de la crise politique

Le Réseau WLUML exhorte, enfin, l’État malien à s’assurer de la participation des femmes, qui sont citoyennes du Mali, aux pourparlers de paix et aux élections de juillet prochain, afin que leurs voix soient entendues et leurs droits respectés.

 

Réseau international de solidarité Femmes sous lois musulmanes (WLUML)