Espagne: «Le grand fléau, c'est la violence conjugale»
Source:
Libération Anna Guerrero vient de monter le premier comité Ni putes ni soumises en Espagne.
Barcelonaise de 28 ans, Anna Guerrero travaille sur les «programmes» et les «contenus» de communication audiovisuelle. Salariée de la UOC, une université à distance de Catalogne, elle vient aussi de monter le premier comité Ni putes ni soumises en Espagne.
Qu'est-ce qui vous a conduit à créer ce comité ?
J'ai passé trois ans en France où je suis devenue pour la première fois militante, en faisant partie du comité de Fontenay-sous-Bois de NPNS. En revenant en Catalogne, en décembre 2004, je m'étais fixé comme objectif de monter un comité à Barcelone. C'est chose faite, et on nous a prêté un local. Je me suis vite rendue compte que NPNS était nécessaire ici, tant l'immigration (latino, maghrébine, asiatique) avait augmenté très vite. J'ai été frappée de voir que, dans des quartiers du centre comme Raval ou dans les villes de la périphérie (Santa Coloma, L'Hospitalet...), les femmes les musulmanes surtout n'apparaissaient pas dehors. Au maximum, elles vont chercher les enfants au collège ou au lycée, et elles rentrent dare-dare à la maison. Dans les réunions que j'ai pu avoir avec elles, elles me disent qu'elles n'ont pas le droit d'être dehors à partir d'une certaine heure.
La problématique française est tout de même très différente de celle existant en Espagne, non ?
Tout à fait. L'immigration est encore trop récente pour que le phénomène des banlieues soit identique. Mais cela commence à prendre forme et, à mon avis, il faut agir ici de façon préventive. Les tournantes, par exemple : officiellement, cela n'existe pas, c'est invisible, mais je suis sûre que cela se pratique au Raval ou en périphérie de Barcelone. Idem pour le problème du voile à l'école, même si on en reste pour l'instant à des cas isolés. De toute façon, nous devons nous centrer sur nos spécificités. Le grand fléau ici, c'est la violence conjugale. Le gouvernement a approuvé une bonne loi, très complète, mais encore faut-il l'appliquer. Soixante femmes ont été assassinées depuis le début de l'année, entre les mains de leurs maris ou ex-maris. La majorité n'avait pas déposé de plaintes. Ce qui est terrible, c'est que c'est devenu une nouvelle de plus, les gens s'y sont habitués. Il nous faut agir aussi dans d'autres directions : les mariages forcés, l'ablation du clitoris (dans la communauté nigériane), la violence à l'école due notamment aux gangs latinos.
NPNS, c'est nouveau en Espagne. Quel a été l'accueil jusqu'à présent ?
En général, les gens ne savent pas qui nous sommes, et il y a tout à faire. On a heureusement reçu une aide pour distribuer en Catalogne le «guide du respect», qui circule bien en France. Dans le monde associatif, en revanche, NPNS est très connu. La plupart ont lu le livre de Fadela Amara. Pour autant, beaucoup d'associations féministes s'interrogent sur notre utilité. Pour moi, elle est claire : tout d'abord, nous accueillons la mixité ; ensuite, on insiste sur le fait de libérer la parole, de mettre en place des espaces de débat, et de porter notre message dans les écoles via des projections de films ou autres.... Ici, les associations s'attaquent à des problèmes pratiques, c'est très bien, mais il manque cette dimension de la parole.
Par François MUSSEAU
vendredi 30 septembre 2005
J'ai passé trois ans en France où je suis devenue pour la première fois militante, en faisant partie du comité de Fontenay-sous-Bois de NPNS. En revenant en Catalogne, en décembre 2004, je m'étais fixé comme objectif de monter un comité à Barcelone. C'est chose faite, et on nous a prêté un local. Je me suis vite rendue compte que NPNS était nécessaire ici, tant l'immigration (latino, maghrébine, asiatique) avait augmenté très vite. J'ai été frappée de voir que, dans des quartiers du centre comme Raval ou dans les villes de la périphérie (Santa Coloma, L'Hospitalet...), les femmes les musulmanes surtout n'apparaissaient pas dehors. Au maximum, elles vont chercher les enfants au collège ou au lycée, et elles rentrent dare-dare à la maison. Dans les réunions que j'ai pu avoir avec elles, elles me disent qu'elles n'ont pas le droit d'être dehors à partir d'une certaine heure.
La problématique française est tout de même très différente de celle existant en Espagne, non ?
Tout à fait. L'immigration est encore trop récente pour que le phénomène des banlieues soit identique. Mais cela commence à prendre forme et, à mon avis, il faut agir ici de façon préventive. Les tournantes, par exemple : officiellement, cela n'existe pas, c'est invisible, mais je suis sûre que cela se pratique au Raval ou en périphérie de Barcelone. Idem pour le problème du voile à l'école, même si on en reste pour l'instant à des cas isolés. De toute façon, nous devons nous centrer sur nos spécificités. Le grand fléau ici, c'est la violence conjugale. Le gouvernement a approuvé une bonne loi, très complète, mais encore faut-il l'appliquer. Soixante femmes ont été assassinées depuis le début de l'année, entre les mains de leurs maris ou ex-maris. La majorité n'avait pas déposé de plaintes. Ce qui est terrible, c'est que c'est devenu une nouvelle de plus, les gens s'y sont habitués. Il nous faut agir aussi dans d'autres directions : les mariages forcés, l'ablation du clitoris (dans la communauté nigériane), la violence à l'école due notamment aux gangs latinos.
NPNS, c'est nouveau en Espagne. Quel a été l'accueil jusqu'à présent ?
En général, les gens ne savent pas qui nous sommes, et il y a tout à faire. On a heureusement reçu une aide pour distribuer en Catalogne le «guide du respect», qui circule bien en France. Dans le monde associatif, en revanche, NPNS est très connu. La plupart ont lu le livre de Fadela Amara. Pour autant, beaucoup d'associations féministes s'interrogent sur notre utilité. Pour moi, elle est claire : tout d'abord, nous accueillons la mixité ; ensuite, on insiste sur le fait de libérer la parole, de mettre en place des espaces de débat, et de porter notre message dans les écoles via des projections de films ou autres.... Ici, les associations s'attaquent à des problèmes pratiques, c'est très bien, mais il manque cette dimension de la parole.
Par François MUSSEAU
vendredi 30 septembre 2005