Mondial: 57 pays musulmans veulent faire adopter par l'ONU un texte condamnant "la diffamation des prophètes"

Source: 
Le Monde
L'OCI ont porté sur le terrain de l'ONU leur combat contre les caricatures de Mahomet en déposant un texte affirmant que "la diffamation des religions et des prophètes est incompatible avec le droit à la liberté d'expression".
L'amendement, controversé, est destiné à être intégré à l'acte de naissance du Conseil des droits de l'homme, voué à remplacer la commission éponyme de Genève, discréditée par la présence en son sein de régimes répressifs.
Le projet donnerait pour mandat au nouvel organe onusien de "promouvoir le respect universel de toutes les religions et valeurs culturelles" et de "prévenir les cas d'intolérance, de discrimination, d'incitation à la haine et à la violence (...) contre les religions, les prophètes et les croyances". L'amendement de l'OCI précise que les attaques contre les religions causent des "dissonances sociales qui conduisent à des violations des droits de l'homme".

"L'islam est diffamé dans de nombreux pays et nous voulons y mettre un terme", explique Munir Akram, l'ambassadeur du Pakistan à l'ONU, initiateur de la démarche. Les pays occidentaux ont toutefois rejeté en bloc la proposition, qu'ils jugent dangereuse pour la liberté d'expression et celle de la presse. "Nous avons étudié le langage proposé et il est inacceptable" dans le cadre du Conseil des droits de l'homme, affirme l'ambassadeur américain, John Bolton.

"Nous ne pouvons pas donner carte blanche au nouveau conseil pour devenir une police religieuse", estime un diplomate européen. "Qui peut s'opposer à un tel texte ?", insiste toutefois l'ambassadeur pakistanais. "Au moment où nous créons un nouvel organe, nous voulons être sûrs qu'il va promouvoir le respect des religions", ajoute-t-il, prévenant que la prise en compte des revendications de l'OCI sera "une ligne rouge dans la négociation".

L'irruption de cette polémique ralentit une négociation déjà épineuse. Le président de l'Assemblée générale de l'ONU, Jan Eliasson, souhaitait pourtant boucler rapidement son projet de résolution créant le Conseil des droits de l'homme, pour faire l'économie d'une nouvelle session, en mars, de la commission de Genève, qui souffre, selon les termes de Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, d'un "crédit en déclin" et "jette une ombre sur la réputation de l'ONU".

"Nous travaillons à un compromis sur la base de formules générales, moins liées à l'actualité et agréées par les 191 pays membres dans des déclarations antérieures", indique un proche de M. Eliasson. Mais une réunion de conciliation entre représentants de l'Union européenne et de l'OCI, jeudi 16 février, n'a porté aucun fruit, et les pays de l'organisation islamique n'excluaient pas de porter l'affaire devant le Conseil de sécurité.

De nombreux autres points, dont dépendra l'efficacité du nouveau conseil, restent en suspens : le mode d'élection et le nombre des membres, leur bilan en matière de droits de l'homme... M. Eliasson devrait faire circuler la semaine prochaine un compromis final, qui pourrait se heurter aux exigences des Etats-Unis, favorables à un conseil fort, et aux réticences des pays en voie de développement, hostiles à un conseil aux airs de tribunal.

Philippe Bolopion
Article paru dans l'édition du 18.02.06