Palestine: Ghadir Ghroof-Gharid, une sprinteuse pour représenter la Palestine aux Jeux de Pékin
Youssef Hamadneh la prévient: "C'est six jours sur sept, deux heures et demie par jour." "Je viendrai deux fois par jour s'il le faut", réplique l'adolescente. Elle participe à une épreuve de sélection, contre des enfants de 8 ans, sur 3000 mètres, et s'impose largement. L'entraîneur accepte donc de collaborer avec elle.
Petit à petit, sa physiologie en pleine croissance dessine un profil de sprinteuse. Championne de Palestine dans sa catégorie d'âge sur 100 m, 200 m et 400 m entre 2003 et 2007, elle s'envole vers des compétitions internationales dans les pays arabes puis au-delà. Ses records sont sur 100 m de 12 sec 42 et sur 200 m de 26 sec. "A 16 ans, c'est exceptionnel", constate son entraîneur. A titre de comparaison, le record de France junior du 100 m de Sidibe Odiah est de 11 sec 25, celui du 200 m, détenu par Muriel Hurtis, est de 22 sec 76. A Bonneuil-sur-Marne, la Palestinienne a terminé 3e de la finale B du 100 m et 5e de la finale A du 200 m.
"UN MÉRITE FOU"
Sortie du terrain d'entraînement, le masque de l'effort laisse place à sa joie naturelle, le rire toujours au bord des lèvres. Ghadir, qui veut dire "chant du rossignol" en arabe, se dit être encore une "enfant", malgré la violence qui règne dans son pays. "Elle a un mérite fou", rajoute son entraîneur. Sa famille, explique-t-il, fait partie d'une population "laissée pour compte" à Jéricho, en Cisjordanie. Issue d'une immigration africaine très lointaine, la jeune fille à la peau noire n'a pas vécu dans un milieu culturel favorable. Au lendemain de ses premières victoires, "les gens avaient la tête haute en parlant de moi", se rappelle dans un sourire la jeune fille.
A Jéricho, elle a pu bénéficier de conditions plus clémentes pour son développement que dans d'autres villes de Palestine. Même si les moyens sont rudimentaires (elle s'entraîne sur une piste en terre battue), elle fut à 16 ans la plus jeune compétitrice à participer aux championnats du monde indoor à Moscou en 2006. Elle a disputé alors le 60 mètres au côté de son "modèle de grâce et de rapidité", l'Américaine victorieuse de l'épreuve Barber Me'Lisa.
Son entraîneur, bénévole depuis huit ans, regrette de ne pouvoir lui donner plus. "Le sport ne compte pas dans notre pays, dit-il. A Gaza, le Hamas a déjà détruit toutes les infrastructures, et en Cisjordanie aucune de mes demandes de subventions n'aboutit. Il faut qu'elle parte ailleurs s'entraîner dans de meilleures conditions. Je lance un appel."
Par: Anthony Lesme
22 Juin 2007