Libya: Critique de romancier libyenne
L'écrivain, Wafa Al Bouissi est une jeune femme libyenne de 34 ans et d'une famille de Bengazi. Elle est musulmane pratiquante et voilée (voir sa photo). Elle est depuis 1998, avocate spécialisée en droit pénal et inscrite au barreau de Bengazi.
L'éditeur est la revue Al Mouatamar éditée elle-même par le Centre du Livre Vert de Bengazi.
Il ne s'agit donc pas d'un roman d'une femme libertine ou provocatrice. Il ne s'agit pas non plus d'un roman d'une femme non musulmane ou athée qui a voulu "abaisser" l'Islam. Il ne s'agit pas d'un roman d'opposition puisqu'il a été publié par le socle de l'idéologie dominante du pouvoir politique en place: le Centre du Livre Vert. Il ne s'agit pas non plus d'un roman glorifiant le régime politique en place et son livre vert, puisqu'il dresse une série de critiques visant le model social libyen. D'ailleurs, les autres essais de l'écrivain publiés en Libye, n'épargne pas les gouvernants libyens d'une critique parfois assez pertinente.
Alors pourquoi ces meutes composées d'un mélange étrange d'opposants islamistes, royalistes et autres tendances au pouvoir politique en place en Libye, de membres des comités révolutionnaires au pouvoir en Libye, de responsables politiques locaux et de plusieurs activistes accusant l'écrivain de blasphème et crimes contre la société et les traditions libyennes?
Deux explications peuvent apporter une réponse à cette question:
La première explication trouve ses origines dans les années 1973-1977 à Bengazi lorsque le Colonel Kadhafi qui préparait à cette époque le lancement de son Livre Verte et sa conception du pouvoir des masses "Jamahirya", a ordonné à ses sympathisants de brûler dans les places publiques tous les livres, instruments de musiques et autres supports culturels qui ne sont pas conformes à l'idéologie dominante, celle du Colonel Kadhafi. Trente ans plus tard, toute une génération née de ce néant intellectuel - ou "ce savoir incendié et brûlé", se réveille sans repères. C'est cette génération perdue comme l'adolescente du roman de Wafa Al Bouissi, qui constitue cette meute qui veut interdire le roman. C'est une génération qui veut fuir sa peur et son acte de naissance écrit par les cendres du savoir.
La deuxième explication est la plus grave. La ville de Bengazi – puisque les protestations se sont fait entendre surtout à Bengazi - a abandonné son caractère de ville d'ouverture, de liberté et de croisement de cultures. Ces meutes réclamant l'interdiction d'un roman qui n'est en fin de compte qu'un cri de liberté, ne sont-il pas des liberticides au moment où leur ville, leur pays et eux-mêmes, ont un besoin vital de liberté.
Source: www.foulan.canalblog.com
30 décembre 2007