Iran: Pour des féministes iraniennes, la liberté, c'est un match de soccer
La raison? «Les autorités disent que ce n'est pas bon pour des musulmanes de voir le corps des hommes», explique avec un sourire moqueur la journaliste, blogueuse et militante des droits des femmes âgée de 28 ans.
De passage à l'Université Concordia hier pour assister à une conférence sur le rôle du sport dans les luttes des femmes musulmanes, Nasrin Afzali, qui vit à Téhéran, a pu expliquer comment le voile islamique a servi la cause qui lui tient à coeur en se transformant en objet de militantisme.
Lorsqu'elles ont essayé pour la première fois d'entrer dans le stade Azadi, en 2006, les militantes ont appris à leurs dépens que les gardes du stade n'entendaient pas à rire. Elles ont été encerclées, battues à coups de bâtons, et leurs pancartes ont été détruites.
La deuxième fois, les gardes ont demandé aux protestataires de monter à bord d'un autobus qui devait les conduire à l'intérieur du stade Azadi. Elles se sont cependant vite rendu compte que c'est vers la place Azadi, à des kilomètres de là, que le véhicule les menait.
La troisième fois, les manifestantes ont eu l'idée de faire du voile islamique, qu'elles sont obligées de porter, des pancartes. En rouge, elles ont écrit sur les foulards blancs: «La moitié du stade Azadi est à moi.» Elles ont encore eu droit à une bonne bastonnade, mais les gardes n'ont pu leur enlever leur voile et leur message a été entendu. La société iranienne a été saisie du débat.
Nasrin Afzali et ses comparses ont d'ailleurs connu leur heure de gloire quand le cinéaste iranien Jafar Panahi leur a dédié le prix qu'il a remporté au festival de Berlin pour le film Offside, racontant l'histoire d'une jeune femme qui se déguise en garçon pour assister au match entre l'équipe nationale de soccer de l'Iran et celle de Bahreïn.
Les revendications des femmes aux foulards blancs ont même réussi à ébranler le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Ce dernier, connu pour ses positions ultraconservatrices sur la place des femmes dans la société (il a déjà suggéré de rendre les trottoirs unisexes), était prêt à ouvrir les portes du stades aux femmes. Mais il a été rappelé à l'ordre. Des ayatollahs, qui ont un droit de veto sur les décisions du président, ont invoqué la loi islamique.
Nasrat Afzali ne baisse pas les bras pour autant. Le combat se poursuit sur des sites web, à la radio et sur les chaînes de télévision satellite de Los Angeles, auxquelles les Iraniens ont accès.
Tout ça pour l'amour du soccer? «Non, je déteste le soccer! laisse tomber la journaliste iranienne. Mais la ségrégation des sexes est une des politiques centrales du régime islamique. Nous avons pensé qu'un des meilleurs symboles pour représenter notre opposition est le stade. Ça nous a permis aussi de rallier les adolescentes, qui ne s'intéressent pas particulièrement aux droits des femmes, mais adorent le soccer.»
Le sport politisé
L'Iran n'est pas le seul pays musulman où le sport est devenu une question politique, signale une des organisatrices de la conférence qui a eu lieu à Concordia hier après-midi, la sociologue Homa Hoodfar. «Plusieurs pays musulmans sont aussi des dictatures. Le sport ouvre aux femmes un nouvel espace démocratique», précise-t-elle. C'est le cas en Égypte, au Nigeria et au Soudan, notamment.
Par ailleurs, l'universitaire rappelle comment le ballon a rebondi jusque dans la cour du Québec l'an dernier lorsqu'une jeune joueuse de soccer a été expulsée d'un match parce qu'elle portait le hijab. «Quand de jeunes femmes portent le hijab au soccer, elles mettent de l'avant leur identité de musulmane, certes, mais elles s'opposent aussi à la tradition qui voit d'un mauvais oeil les femmes qui font du sport.»
Par: Laura-Julie Perreault
29 mars 2008