ONU: L’ONU au service de la lutte anti-blasphème
Les droits de l’homme islamiques
En 1972 à Djeddah, les pays musulmans ont décidé de se réunir au sein de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) qui milite pour une vision différentialiste des droits humains basée sur « les valeurs spirituelles, morales et socio-économiques de l’islam ». Autrement dit pour des droits de l’homme islamiques incompatible voire opposés aux droits l’homme tel qu’on les conçoit dans des pays démocrates et laïques. En 1979, l’Iran de Khomeyni a d’ailleurs fustigé la Déclaration Universelle de 1948 comme étant « un concept laïque occidental d’origine Judéo-chrétienne et de ce fait incompatible avec la charia islamique sacrée ». Mais l’objectif affiché des pays musulmans est devenu encore plus claire en 1990, lorsqu’ils ont adopté une « Déclaration du Caire sur les droits de l’homme dans l’Islam » qui consacre la suprématie de la charia — « la seule source de référence » — sur toute autre loi (notamment les résolutions onusiennes) en terres islamiques. Depuis rien ne va plus, et la commission des droits de l’homme de l’ONU ressemble à une citadelle assiégée. Les rapporteurs spéciaux et les représentants d’ONG sont régulièrement accusés de blasphème, de sacrilège, de diffamation à l’égard des religions et plus récemment d’ « islamophobie » chaque fois qu’ils osent ouvertement dénoncer les atteintes aux droits de l’homme dans les pays islamiques.
En 1994, le Rapporteur Spécial de l’ONU sur le Soudan, Gaspar Biro, a par exemple été accusé « d’attaque vicieuse à la religion de l’Islam » pour avoir simplement suggéré que le gouvernement du Soudan « accorde sa législation aux instruments internationaux auxquels il adhérait ». En 1997, le Rapporteur Spécial contre les discriminations, Maurice Glélé-Ahanhanzo du Bénin, a été accusé de « diffamation envers l’Islam et de blasphème contre le Livre Saint, le Coran » pour avoir osé dénoncer le fait que « Les extrémistes musulmans se tournent de plus en plus vers leurs propres sources religieuses, en premier lieu le Coran, comme étant une source antisémite primaire ». Les pays musulmans ont eu sa tête.
Un rapporteur très spécial
Le nouveau Rapporteur spécial sur « les formes contemporaines de racisme », Doudou Diène, Sénégalais et musulman, sait se montrer nettement plus conciliant. Le 13 décembre 2004, il a rendu un rapport où il insiste pour dépeindre la « diffamation envers les religions » — la « christianophobie » et surtout l’islamophobie » — comme les nouvelles formes de racisme alarmantes. Il en veut pour preuves l’application « rigide et attentatoire à la dignité des élèves » de la loi française sur les signes religieux à l’école publique ou encore la couverture de l’Express contre Tariq Ramadan (le plus long passage du rapport !) A titre de comparaison, les crimes commis au nom de l’Islam au Nigeria ou au Soudan ne dépasse pas une ligne. Le sort des femmes n’est pas évoqué. Celui des homosexuels encore moins. Et le harcèlement et les exactions commis envers les Coptes en Égypte, à cause des islamistes, est tout simplement passé sous silence. Y compris dans le passage consacré à la « christianophobie ». Car en réalité, ce rapport ne souhaite pas lutter contre le racisme frappant les minorités religieuses mais bien combattre le « laïcisme militant » refusant aux religieux de jouer le rôle qui leur est visiblement dû. Par une sorte d’ « aversion rationaliste », nous dit le rapporteur.
Il a récidivé au lendemain de l’affaire des caricatures, le 13 février 2006, en publiant un rapport où il condamne cette affaire comme étant « révélatrice de la banalisation de la diffamation des religions ». Mieux, dans ses recommandations, il invite les « États membres à combattre et sanctionner (…) l’expression de sérieux amalgames entre l’islam, la violence et le terrorisme ». Mais comment défendre les victimes de l’intégrisme et du terrorisme, pratiqué qu’on le veuille ou non au nom de l’islam par certains, avec une recommandation pareille ? « Dans le monde chamboulé de la Commission, la violence islamique et l’extrémisme n’existent pas” commente, désabusé, Roy Brown, président de l’Union internationale humaniste et laïque*, une ONG qui se bat contre l’offensive des religieux à l’ONU.
Un Conseil encore moins net
On espérait souffler avec l’enterrement de la Commission, largement discréditée (surtout depuis la présidence libyenne). Mais le cauchemar a recommencé dès la naissance du tout nouveau Conseil des droits de l’homme, prévu pour la remplacer.
Lors des discussions, menées en pleine affaire des caricatures, les Etats leaders islamiques ont réclamé « que les gouvernements demandent à l’ONU d’adopter une résolution ou une loi claire interdisant les affronts aux prophètes de Dieu et de ses messagers, aux livres et lieux saints ». Ils ont obtenu un compromis. Le préambule du nouveau Conseil des droits de l’homme insiste sur le fait que les « États, les ONG, les institutions religieuses et les médias ont un rôle important à jouer pour promouvoir la tolérance, le respect et la liberté de religion et de croyance ». Sauf que dans le contexte actuel, ce compromis ne risque pas de prémunir l’ONU contre ceux qui veulent la transformer en machine de guerre contre le blasphème .
Par: Caroline Fourest et Fiammetta Venner
Article publié dans Charlie Blasphème en mai 2006