Algérie: Le refus d’une muséification de la mémoire
Plusieurs angles sont abordés dans la discussion visant à préciser la spécificité de ces immigrations postcoloniales et des problématiques inédites qu’elles posent ainsi à la société française dans son ensemble. « En vingt-cinq ans, l’immigration est devenue l’élément central de la réflexion identitaire au sein même de la politique française. » À partir des questions sur la situation des femmes et des filles de migrants, Nacira Guénif note que l’on assiste à un transfert des problèmes féministes. « Tout contribue à l’idée qu’il est extrêmement dur d’être fille d’immigré, mais sans jamais interpeller l’ordre républicain. » Autrement dit, précise-t-elle : « L’égalité ne serait pas une promesse qui - devrait être appliquée à toutes mais un problème. » Et de pointer le paradoxe d’un discours. « Ils parlent d’une prise en charge compassionnelle des souffrances des femmes tout en leur refusant une prise en charge politique de ces enjeux. »
L’immigration postcoloniale et les débats autour de l’intégration soulèvent également un ensemble de problèmes nouveaux incitant à l’évolution du concept même de nation. Saïd Bouamama rappelle que la nation française s’est toujours construite dans « la crainte de l’éparpillement ». Il cite l’exemple des cultures régionales détruites avant celui qui vise maintenant l’immigration. « Nous avons une approche essentialiste des classes sociales - la classe ouvrière est perçue comme une entité homogène - mais aussi de la nation », précisant alors que l’immigration contraindra tôt ou tard à modifier ce - rapport à l’essentialisation de la - nation. L’auteur de la France, autopsie d’un mythe national, critique l’instrumentalisation des symboles nationaux, par exemple la Marseillaise. « Ce n’est pas elle qui est sifflée dans le stade, juge Saïd Bouamama, il y a d’un côté le sentiment d’un abandon de l’État et de l’autre le rejet de cette instrumentalisation des symboles », - estimant même que les sifflets traduisent la revendication d’une place dans la nation. Les intervenants soulignent aussi le besoin de multiculturalité et de plurilinguisme. « Il y a une distinction importante entre langue commune et langue unique. »
(1) Histoire politique des immigrations (post)coloniales. France, 1920-2008. Éditions Amsterdam. Ahmed Boubeker et Abdellali Hajjat.
Alain Raynal