Etats-Unis: L'art de conter fait retentir “Les monologues de l'hijabi”

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Common Ground
Les monologues de l'hijabi est sur le point de créer un espace pour que les musulmanes américaines se racontent leurs histoires.
Le mot hijabi, qui n'est pas de l'arabe à proprement parler mais qui est entré dans le langage des musulmanes américaines, se réfère à la femme musulmane qui porte un foulard. Ce terme, que nous avons d'abord employé en plaisantant pour faire référence à une série de monologues décrivant des expériences vécues par des musulmanes d'Amérique du nord est finalement resté.
Contrairement à Les monologues du vagin, la célèbre pièce de Eve Ensler qui personnifie un aspect souvent intime de la vie des femmes en lui donnant voix, Les monologues de l'hijabi s'empare de quelque chose de publique, sur laquelle tout le monde semble porter un jugement, et lui donne une voix personnelle.

C'est au cours de l'été 2006 que Dan Morrison, directeur du “the non-profit 1Well”, qui met en relation des personnes et des groupes socialement actifs avec des communautés établies dans des zones en grande difficulté, s'est inspiré de l'idée. Après avoir écouté une nouvelle histoire de mon cru sur l'existence des musulmanes américaines portant l' hijab (foulard), il lança: “Vous savez quoi? Il nous faut les monologues de l'hijabi.”

Quelques mois plus tard, Dan contacta Zeenat Rahman, qui travaille actuellement pour l'Interfaith Youth Core, et moi-même afin d'examiner sérieusement le pouvoir des histoires; il l'avait lui-même expérimenté en écoutant mes propres histoires et celles d'autres personnes. Et c'est ainsi que sont nés Les monologues de l'hijabi.

Si les personnages de chaque monologue portent l' hijab, celui-ci n'est au centre d'aucune histoire. Bien que beaucoup de ces histoires rappellent celles vécues par d'autres musulmanes et d'autres femmes en général, elles ne prétendent pas raconter toutes les histoires ou parler au nom de toutes les femmes.

Nos histoires couvrent un éventail d'expériences allant de la comédie au drame. Les histoires drôles contiennent des anecdotes au sujet de personnes qui, un beau jour, abordent les hijabis avec une toute série de questions sur l'islam, ou qui les draguent avec des stratégies de conquête souvent maladroites; une expérience, du reste, partagée par de nombreuses femmes.

Parmi les histoires plus poignantes, figurent celle où une mère vient de perdre son fils dans un accident de voiture et celle où la maison d'une étudiante a été prise d'assaut par les agents du maintien de l'ordre et son père mis en état d'arrestation.

Les histoires nous permettent de mieux comprendre nos existences en faisant naître le sentiment d'empathie et le sens d'une humanité partagée tout en décrivant une expérience unique.

Les hijabis ne sont pas les seules à avoir lutter contre des différences extérieures qui définissent la façon dont elles sont traitées en société. L' hijab, au même titre que la race, est devenu une signe de différence physique et il répertorie sans aucun doute une femme comme musulmane à une époque où les musulmanes font l'objet d'un certain nombre de stéréotypes, d'un examen public approfondi et de discriminations.

Il n'est pas rare que ce que fait une hijabi (ou ce qu'elle ne fait pas) soit considéré sous l'angle de la religion, de la même manière que ce que font les minorités raciales sont considérées sous l'angle de la race.

Les monologues de l'hijabi est sur le point de créer un espace pour que les musulmanes américaines se racontent leurs histoires. Beaucoup de musulmanes savent ce que c'est que d'affronter toute une série de postulats au sujet de leur religion, de la politique, de leur préférences, de l'éducation, de leur classe, etc. selon qu'elles choisissent de porter, ou non, un foulard.

Pour cette raison, Les monologues de l'hijabi ne prétend jamais parler au nom de toutes les musulmanes. Toutes les musulmanes ne sont pas américaines. Toutes les musulmanes ne sont pas des hijabis.

Avec près d'une douzaine de représentations à son actif, Les monologues de l' hijabi rappelle des choses aux spectateurs, et a déjà été à l'affiche dans plusieurs villes.

En fin de compte, raconter une histoire c'est le début d'une conversation plus profonde. L'art de raconter permet de mettre en doute la généralisation et la catégorisation. A travers les histoires, les étrangers se connectent et les portes s'ouvrent pour en partager d'autres.

Et plus important encore, le conteur, dans le cas présent la musulmane américaine, devient un être humain complexe au lieu d'un stéréotype unidimensionnel.

Par : Sahar Ullah

09 janvier 2009