Europe: Le minaret vient heurter une identité chrétienne
Comment expliquer le rejet soudain et massif des minarets en France ? La société française est sécularisée. Pour autant, elle n’est pas devenue sans religion. L’imaginaire national reste pétri par le christianisme. François Mitterrand avait posé devant un clocher pour sa campagne de 1981, « la force tranquille ». Le minaret vient heurter ce paysage culturel, pour imposer un pluralisme religieux, qui passe mal. Les Français, comme les Européens, ont une réaction souverainiste, une réticence à la mondialisation, économique, culturelle et religieuse.
Certains voient le minaret comme un signe politico-religieux, un symbole de conquête ? La monumentalité religieuse est un enjeu de pouvoir. Au XIXe siècle, les catholiques disposaient de la grande avenue pour leurs églises tandis que les protestants pouvaient bâtir des temples uniquement dans les rues adjacentes. Il existe une appropriation de l’espace public à travers l’architecture. En Allemagne, Angela Merkel a estimé qu’on pouvait bâtir un minaret, à condition qu’il ne dépasse pas le clocher de la cathédrale. L’irruption de l’islam perturbe un ordre ancien. Car dans le fond, notre laïcité est une « catho-laïcité » : le calendrier, les jours fériés, les habitudes alimentaires, comme les monuments expriment une culture chrétienne. Et beaucoup y restent attachés.
Les élites ont-elles sous-estimé cet enracinement ? Les médias, les hommes politiques ou encore les intellectuels vivent entre eux, dans un monde globalisé. Mais la tolérance qu’ils professent, comme la fraternité sentencieuse des autorités religieuses volent en éclats. Partout, la parole s’est libérée. Le refoulé se manifeste maintenant, même au sein des Églises, bousculant l’ouverture affichée.
L’islam porte-t-il sa part de responsabilité ? C’est une religion de rites, donc forcément plus visible. On la soupçonne d’être conquérante et de vouloir imposer ses pratiques dans l’espace européen. Des adaptations seront nécessaires pour apaiser les tensions. Il existe également un problème de réciprocité. Car les minorités chrétiennes souffrent dans certaines terres d’islam, notamment en Orient. Mais, dans nos démocraties, nous devons garantir, même sans contrepartie, la liberté religieuse et celle de construire des lieux de culte.
J.P. Wilaime (Jean-Paul Willaime est sociologue des religions, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études.)
Propos recueillis par Cécilia Gabizon
02/12/2009
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