Les Femmes de La Révolution
Les tunisiennes ont impressionné le monde entier en se levant pour défendre leurs droits en tant que femmes et en tant qu'êtres humains. Epaules contre épaules elle se sont soulevées aux côtés des hommes afin de défendre leur nation pendant la révolution. Ceci dit, le mouvement des femmes tunisiennes remonte bien avant le 14 janvier 2011.
Dès le début du 20e siècle les femmes tunisiennes ont joué un rôle déterminant dans l'obtention de l'indépendance de leur pays. Comme les hommes furent arrêtés et emprisonnées après le manifestations qui ont amené les français et leur protectorat à se retirer et à reconnaitre l'indépendance du pays le 20 mars 1956.
Moins de 5 mois plus tard, le 13 aout 1956, le premier président de la Tunisie, Habib Bourguiba, faisait un discours où il citait un extrait du code civil défendant les droits des femmes. Le codex interdisait la polygamie et le rejet unilatéral au profit du divorce, il promulguait entre autre, une régulation du droit des familles, du mariage, de la couverture sociale, ainsi que le droit liés aux procédures d'accouchement et l'avortement. Il donna aux femmes un statut leur permettant de créer leurs propres entreprises, d'avoir un compte en banque et la possibilité de faire seules leur passeport. Grace à ce code civil, aujourd'hui plus de 50% des femmes sont étudiantes, enseignantes, juges ou encore avocates.
L'émancipation des femmes tunisiennes
Depuis des années, les tunisiennes sont considérées dans le monde arabe comme des femmes exemplaires et sont souvent dépeintes comme des femmes indépendantes, libérées et émancipées. Mais si on regarde de plus près, à écouter les voix de certains témoins on se demande si cette image correspond à la réalité. Dans le droit, par rapport aux mentalités et dans l'émancipation spirituelle. La société tunisienne est très diversifiée et chaque conversation profonde avec une de ses femmes est différente, et chacune d'entre elle est différente des autres. La seule chose qu'elles ont toutes en commun est leur amour pour leur pays. Comme le dit Inès Zaghoudi, jeune fille de 22 ans, membre de l'organisation Femina : "Tout dans ce pays nous concerne, ça concerne les femmes".
Les Activistes
Les femmes militantes méritent une distinction spéciale, en particulier celles qui ne reçoivent aucune récompense pour leurs efforts. Parmi elles il y a Asma Cherifi (fondatrice du réseau d'organisations non-gouvernementales TACID). Son activité au sein de la société et le haut statut professionnel qu'elle a acquise se résume, comme elle le dit, a : "l'éducation, les compétence, l'expérience et le patriotisme".
"Mon entourage me surnomme "la milicienne" - souligne Asma - "Je ne comprenais pas pourquoi l'on m'affublait de ce surnom jusqu'à ce que je devienne une activiste dans la société civile". Le travaille d'Asma requiert un grand sens de l'organisation, un grand sens des responsabilités et de la méthode. Ses activités regroupent : actions humanitaires et caritatives, activités éducatives et éducation civique. Elle mène aussi une campagne de sensibilisation à la conscience citoyenne.
Elle a commencé ses activités à l'université durant l'élection du conseil d'administration des étudiants. Elle raconte : "J'ai arraché une feuille vierge de mon cahier et j'ai voté blanc de façon symbolique pour souligner le fait qu'aucun des candidats de la liste ne me représentait vraiment. J'ai montré que je refusais de faire partie de ce système, sans pour autant renoncer à mon identité".
Les jours de la révolution
Pendant la révolution Asma fut très active via les réseaux sociaux, mais elle est aussi descendu dans la rue, elle se souvient: " c'était le jour où le premier Tunisien a été tué par balle. Ce fut la limite de notre tolérance et des manifestations pacifiques".
Le 14 janvier au soir elle ne s'est pas rendu à la manifestation car comme elle le dit, elle ne pouvait pas regarder les discours ironiques de l'ancien président Ben Ali et la stupidité des gens qu'il avait soudoyé pour qu'ils se rendent dans les rues afin de l'applaudir et de le supporter. "Dans la nuit du 14 janvier, j'ai été retenu dans le bâtiment du Ministère de l'intérieur- raconte Asma- "là-bas j'ai vu le vrai visage de notre police et de la force d'intervention armée, et ce n'était que le début…"
Aujourd'hui Asma considère que la révolution peut faire changer les mentalités au sein de la société. "Dans notre culture on pense toujours que le rôle des femmes est d'être mères, épouses, filles mais on ne les voit pas comme des êtres humains, pas comme des femmes" - dit Asma- "Nous avons besoin d'une révolution culturelle. Nous avons besoin de former des femmes pour qu'elles deviennent jeunes leaders. Elle doivent apprendre la communication, la négociation, connaitre leurs droits élémentaires et savoir comment participer à la vie en société et à la vie politique. Grace à ces compétences ces femmes seront vraiment conscientes de leurs droits et de leur vrai place au sein de la société. Il faut encourager ces femmes à devenir financièrement indépendantes.
Inès quant a elle, est formatrice au sein de l'organisation de terrain Femina. Bien qu'elle ait participé à l'organisation des dernières Journées Internationales de la Femme, elle pense que ce genre de manifestation n'est pas suffisant. "Nous voulons avant tout fournir plus d'information durant cet événement, car beaucoup considèrent ces journées comme une occasion de s'amuser - explique Inès- mais les femmes n'ont toujours pas obtenu tout leurs droits". Ironiquement, nous ne vivons pas en paix, mais nous célébrons la Journée Mondiale de la Paix et la condition de la femme ne lui permet pas de célébrer pleinement la Journée de la Femme.
Inès pense que les droits de la femme sont en danger et elle a peur qu'il y ait une régression. "En fait je pense qu'il n'y a pas encore eu de vrai révolution - dit t-elle - Apres une vrai révolution une processus de changement doit être enclenché, pour l'instant nous n'avons fait qu'un tout petit pas dans ce sens". Il n'y a pas qu'Ines qui soit de cet avis. Une femme sur deux, engagée dans la révolution, avec lesquelles je suis en contact sur Facebook, réfléchie longuement afin de répondre à la question "Avons-nous fait ne serait-ce qu'un premier pas, avant de penser à en faire un deuxième ?".
Selon Inès les organisations féministes ne devraient pas seulement se focaliser sur la défense des droits de la femme mais la défense de tout les droits qui sont importants pour celles-ci. Son organisation s'occupe par exemple des blessés de la révolution en leur fournissant une assistance gratuite. Comme elle dit "il faut montrer du respect à ses gens".
Les femmes et la politique Tunisienne
Les femmes sont marginalisées dans pratiquement tout les domaines, et partout on retrouve les mêmes problèmes. "Nous devons trouver de nouvelles méthodes de fonctionnement, afin d'inciter les gens a réfléchir -insiste Inès.- Les manifestation sont devenu monnaie courantes".
Asma aussi pense qu'il faudrait limiter le nombre de manifestations, car elles ne sont suivies d'aucun résultat.
Inès souligne que les femmes tunisiennes sont considérées comme une exception dans le monde arabe grâce à la garantie du respect de leurs droits, mais ce n'est qu'une garantie sur le papier.
"Nous devons nous concentrer sur le changement des mentalités".
Mentalité
Aujourd'hui les Tunisiennes sont plus fortes, plus sures d'elles et plus déterminées que jamais à faire valoir leur droits. L'égalité entre homme et femme en ce qui concerne les droits de l'homme, l'éducation et que l'emploi devienne une réalité dans chaque aspect de la vie en Tunisie.
Grace à sa législation la Tunisie s'est placée à la tête des pays arabes militants pour les droits de la femme.
En fait les préoccupations des activistes comme Asma ne se portent pas sur un changement des droits déjà acquis, il porte plutôt sur la manière d'encourager les femmes à utiliser leurs possibilités qui leurs donneraient accès non seulement à différents métiers et a différentes branches de l'industrie, mais aussi un accès a la vie politique.
"C'est l'un des éléments clés pour l'émancipation des femmes", souligne Asma.
Les femmes tunisiennes travaillent déjà dans l'industrie et dans tout les corps de métiers, même dans ceux traditionnellement réservés aux hommes comme les pilotes, les juges, la police en uniforme ou l'armée. En réalité elles sont 28% à travailler dans le service civile. Le Secrétaire d'Etat au département du droit des femmes et des familles voudrait voir plus de femmes dans le secteur publique. Il pense que c'est seulement quand les femmes occuperons des postes au sein du gouvernement que tout le monde sera certain que des progrès significatifs et durables auront été fait pour les droits de la femme en Tunisie.
Les activistes soulignent que le modèle tunisien base sur l'égalité pour tous les citoyens posera les fondamentaux solides et et durable visant à faire évoluer le pays sur le plan économique, social et politique.
Religion, Tradition et Egalité des droit
Tahar Haddad, chercheur à la grande mosquée Zituna, a déjà appelé à libérer les femmes de toutes les traditions qui les restreignent, et ce dès le début du XXe siècle. Dans le livre "Our Women in the Shari 'a and Society" publié en 1930, il a recommandé une éducation basique pour les femmes et il a assure que l'Islam avait été déformé et interprète de façon à ce que les femmes ne soient pas conscientes des responsabilités et des avantages dont elles pourrait bénéficier.
Le débat sur la Shari'a est aujourd'hui l'un des thèmes les plus controversés en Tunisie, où la liberté de culte, qui avait disparu pendant des années a été réintroduite.
"Ce n'est pas l'Islam qui discrimine les femmes- dit Asma- Mais les musulmans et la façon dont nous comprenons le Livre (Coran). Je ne sais pas d'où on a tiré la conclusion que plus on est strict avec les femmes, plus on est en accord avec la loi islamique."
La Tunisie est le premier pays de tout le monde arabe à avoir une constitution et des syndicats. C'est aussi le premier pays arabe et africain à mettre en place une organisation pour la défense des droits de l'homme (Tunisian Human Rights League).
L'Islam et les droit des femmes
Taher Haded a démontré que dans l'islam les hommes et les femmes sont égaux par rapport à leurs droits et à leurs responsabilités. Il a encouragé les femmes à appliquer le droit pour avoir un contrôle total sur ce qui leur appartient. Les femmes étaient écartées des taches administrative et n'avaient aucun recours en justice. Taher Haded a expliqué que l'islam n'a jamais empêché les femmes de jouir de certains droits. Il a enseigné que les personnes qui représentent la moitié de la population de la terre avaient aussi droit à l'éducation et qu'elles devraient être impliquées dans toute les sphères de la société.
La réforme de la société est déterminante pour la réforme du statut social des femmes.
La femme inspire l'effort de l'homme et elle est aussi un des acteurs qui insufflent la vie à l'âme patriotique. La liberté sociale peut être atteinte en contournant les restrictions qui ont entravé l'émancipation des femmes tunisiennes et les femme des pays du moyen orient en général.
Cette liberté passe par l'abandon d'un modèle de société chimérique qui se base sur des convictions anachroniques dépeignant la femme comme un être inférieur. Cette liberté requiert un certain niveau de conscience et une confrontation avec les us et coutumes qui nuisent non seulement aux femmes mais également aux hommes et à tous ceux qui interprètent l'Islam de façon erronée.
La loi actuelle, qui ne va pas à l'encontre les enseignements de l'Islam, garantie aux femmes l'accès à l'éducation, et les protège contre le mariage prématuré par exemple ou toute atteinte à leur intégrité commise non pas par la religion, mais par les traditions. En d'autres termes, la religion ne préconise pas ce genre de pratique, il s'agit d'une mauvaise interprétation des versets du Coran qui amène à la négation des lois, qui sont garanties aux femmes par la religion.
En soulignant la dimension sociale et historique du statue de la femme, on peut espérer une évolution des mentalités qui aboutira à la complète émancipation des tunisiennes. Emancipation, rappelons-le, qui a débuté dès l'avènement de l'indépendance, avec la parution du Code du statue Civil datant du 13 aout 1956.
Aya Chebbi