Liban: 'Au Liban, Les Femmes Se Mobilisent Contre Le Viol et La Violence'
Les visages sont graves au collectif féministe Libanais Nasawiya tandis que les histoires de harcèlements sexuel verbaux et physiques défilent, et que le viol et le meurtre perpétrés sur Myriam Achkar fait la une des journaux.
« L’heure est venue de faire quelque chose, cette situation ne peut plus durer », déclare Farah, activiste des droits de la femme de longue date et membre du collectif.
Cet état d’esprit est partagé par de nombreuses femmes, fatiguées de faire face aux commentaires plus ou moins insultants de certains hommes dans les rues de leurs villes, et répond à un sentiment croissant d’insécurité vis-à-vis de la recrudescence des abus et agressions sexuels de tous types ces dernières années au Liban.
Bien que le Liban bénéficie d’une réputation de pays libéral au sein d’un monde arabe perçu rétrograde pour les droits de la femme, cette réputation n’est que cosmétique et basée sur des libertés apparentes, telles que le droit de conduire ou une liberté pour la femme libanaise de se vêtir comme bon lui semble. La réalité légale du statut de la femme est bien différente : en effet, l’espace privé est considéré comme sacré par la Constitution du pays et aucune loi ne criminalise la violence faite aux femmes. L’Etat ne possède aucun mécanisme de prise en charge et de soutien des femmes battues et abusées. Les Libanaises se trouvant donc en situation précaire au sein de leur foyer n’ont bien souvent d’autres recours que de se tourner vers leur famille, sans avoir la garantie que celle-ci les accueillera, la mentalité qui prévaut voulant qu’une femme « comme il faut » supporte et reste au sein de sa maison pour maintenir la cohésion familiale (et bien souvent, les apparences).
Les organisations féministes et de droits de la femme ont participé à l’élaboration d’une loi visant à protéger les femmes battues et à criminaliser les actes de violences perpétrés contre elles, loi débattue mais encore non adoptée par le Parlement, les autorités religieuses du pays pesant de tous leur poids pour empêcher son adoption. En effet, le Liban, Etat bâtit sur le confessionalisme, remet les affaires civiles (mariage, divorce, héritage) entre les mains des instances religieuses qui voient donc d’un très mauvais œil ce qu’elles perçoivent comme une intrusion de l’Etat dans leur chasse gardée. Les femmes paient donc le prix fort du système sectaire et patriarcal, et continuent donc leur lutte pour l’adoption de la loi.
Les lois du Code Pénal ayant trait au viol sont encore plus effarantes et leur simple présence au sein du corps législatif libanais dénotent d’une absence totale de volonté des pouvoirs publics de traiter la femme en tant que citoyenne à part entière de la société libanaise. En effet, les articles 503 et 504 du Code Pénal définissent le viol comme tout acte sexuel perpétré sous la contrainte sur toute femme n’étant pas mariée au violeur. Ces articles excluent donc explicitement le viol conjugal et ne le considèrent pas comme étant un crime. D’autre part, la société dans son ensemble considère qu’avoir des relations sexuelles avec son mari est un devoir conjugal que la femme se doit d’accomplir et ce que la femme ne veut pas donner, l’homme est donc autorisé à prendre. L’épouse est donc dénuée de tout libre arbitre et les relations sexuelles dans le mariage ne sont pas entendues dans un contexte d’égalité où chacun des conjoints aurait son mot à dire. D’autre part, l’article 522 du Code Pénal Libanais stipule que toute poursuite et toute peine promulguées à l’encontre d’un violeur doivent être annulées si le violeur épouse sa victime, article archaïque et discriminant s’il en est, réduisant à néant l’existence même de la femme, car qui voudrait être mariée à son violeur ? D’autre part, comment pouvons-nous espérer changer les mentalités si la loi elle-même valide ces pratiques absolument contraires aux droits de l’homme ?
Compte tenu de cette situation, les femmes libanaises poursuivent leur mobilisation, mobilisation et combat qui leur ont déjà permis de faire voter au Parlement l’annulation de l’article 562 du Code Pénal qui prévoyait des peines plus légères pour les personnes coupables de crime d’honneur. Fortes de cette victoire, elles continuent à faire pression sur le gouvernement pour obtenir gain de cause. Le 14 janvier, le collectif féministe Nasawiya organise avec d’autres associations une grande marche à travers Beyrouth pour demander l’annulation des lois discriminantes relatives au viol, l’adoption de la loi sur la violence faite aux femmes et la prise de mesure concrètes de la part des pouvoirs publics pour sanctionner les coupables de harcèlement sexuel verbal et physique à l’encontre des femmes ainsi que pour accompagner les femmes victimes d’abus et de viols, telles que des formations de la police et du corps médical, ceux-ci faisant encore preuve de jugements négatifs envers ces femmes, leur envoyant le message que ce qui leur est arrivé est de leur faute.
Les activistes ont d’ores et déjà contacté différents medias Libanais afin de relayer l’information, ont produit des posters et graffitis ornant les rues de la capitale Libanaise, ont lancé une campagne en ligne appelant les blogueurs et utilisateurs de medias sociaux à mobiliser les masses afin d’obtenir l’impact le plus important possible, distribuent des tracts dans chaque endroit public et utilisent même leurs rouges à lèvres afin d’indiquer la date et l’heure du rassemblement sur les miroirs des restaurants et cafés Beyrouthins.
Le Liban a ratifié en 1996 la Convention pour l’Elimination de Toute Forme de Discrimination Faites aux Femmes.
Il est grand temps que le Pays du Cèdre se rappelle ses obligations.
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