Algérie: Le témoignage accablant de Cherifa Kheddar
Victimes du Terrorisme: l’expérience algérienne
11 avril 2007: attentat au palais du gouvernement 33 morts et des dizaines de blessés.
11 juillet 2007 : attentat dans une caserne à Tizi Ouzou 110 morts et des dizaines de blessés.
6 septembre 2007: attentat de Batna 25 morts et 107 blessés
8 septembre 2007 : attentat de Delis 30 morts et 70 blessés
Il ne s’agit là, que des attentats qui ont été largement médiatisés. Pour une seule raison: un concours de circonstances qui le permettait.
Revenons au contexte politico historique
Après l’indépendance, les écoles algériennes sont désertées par l’encadrement français, qui a été remplacé dans la précipitation par un encadrement du Moyen Orient. Si, parmi les enseignants arrivés du Moyen Orient, les irakiens et les syriens formait l’élite de l’enseignement dans leur pays d’origine, nul ne pouvait en dire autant des enseignants venus d’Egypte, pays qui connaissait une forte montée de l’islamisme.
Pendant les cours de maths, d’arabe ou de sciences naturelles, les élèves avaient droit à des prêches islamistes en bonne et due forme.
Quand les enfants rentraient chez eux en annonçant à leurs parents qu’ils ont appris à faire la prière, ou que les filles demandaient à être habillées de vêtements plus décents, rares sont les parents qui réagissaient d’une manière négative à ce genre de propos .Pour certains , ils étaient même ravis de savoir leur enfant sur le chemin de la religion (et même si leurs moyens ne leur permettaient pas d’acheter de nouveaux habits qui répondaient aux souhaits de certains de ces nouveaux enseignants pieux.) Ainsi deux générations entières d’algériens, ont été livrées aux idéologues islamistes.
D’année en année l’échec scolaire est enregistré par l’école algérienne, mais aucune politique n’a été mise en place pour mettre fin à cet échec. Les années 90, ont récolté le fruit de la politique de l’enseignement mis en place, pendant la deuxième moitié de la décennie 70, et celle qui l’a suivie.
Ensuite les pouvoirs publics, pour mettre fin aux revendications des laïques, ont légalisé un parti islamiste qui prônait un discours de haine et de violence, contre tous ceux qui ne sont pas prêts à changer d’habitude alimentaire et vestimentaire.
En 90, la majorité des communes sont dirigées par les islamistes qui ont gagné haut la main les élections locales.
En 91 la déferlante islamiste s’est confirmée lors des législatives, favorisé par le mode de scrutin, mis en place à l’époque pour faire gagner le FLN, parti du pouvoir et au pouvoir.
La violence des islamistes s’est exercée en particulier contre des femmes. L’incendie d’une habitation, avec à l’intérieur ses habitants composés d’une femme divorcée et de ses quatre enfants en bas âge, l’appel au djihad lancé par les chefs islamistes en cas d’échec aux élections, suivi de l’attaque de la caserne de Gmar, où dix huit appelés, âgés de dix neuf à vingt et un an ont été mutilés à l’arme blanche, ont fait réagir les démocrates en appelant à une marche qui a regroupé plus d’un million de citoyens dans les rues d’Alger.
Les pouvoirs publics ont annoncé l’annulation du deuxième tour des législatives, arrêté les chefs islamistes, et mis dans les camps d’internement, environ dix mille algériens soupçonnés d’activité islamiste.
Les cibles des islamistes
La violence armée des islamistes déclarée au début contre les femmes, ensuite contre les membres des services de sécurité, dont la majorité étaient des appelés en permission chez leurs parents, a pris la forme de « djihad ». Des condamnations à mort, décrétées par les islamistes au nom d’Allah, ont fait leur apparition contre des cibles précises:
*contre les fonctionnaires,
*contre les féministes,
*contre les communistes,
*contre les intellectuels,
*contre les femmes non voilées,
*contre ceux et celles qui luttaient contre l’islamisme politique,
Ensuite: *contre ceux qui ne soutenaient pas l’islamisme ouvertement,
Et enfin: *contre ceux qui ne soutenaient pas les actions meurtrières des islamistes.
Les assassinats en plein jour
Beaucoup de militant(e)s qui n’ont pas quitté l’Algérie, après leur condamnation à mort par les islamistes, ont été exécutées par arme à feu ou par arme blanche.
Elles ont été assassinées:
*dans la rue en plein jour,
*dans leur domicile, en présence de leur proches, (enfants et parents).
*sur le lieu de leur travail, en présence de leurs élèves, quand il s’agit d’enseignantes.
*contre certaines femmes pour le seul fait qu’elles travaillent ou qu’elles refusaient de porter le foulard. Cependant aucun viol ni enlèvement, n’ont été enregistrés contre les militantes dans la région de la Mitidja.
Toutefois on a enregistré des cas qui ne répondent à aucune logique. Pendant les années 90, Les femmes de condition modeste, qui portaient le foulard, qui étaient des proches d’islamistes ont payé un lourd tribut elles aussi. Elles ont fait l’objet d’abord de mariage de jouissance, et plus tard, elles ont subi l’enlèvement, le viol, et l’assassinat par les islamistes.
Les villageois traqués
Les GIA se sont vengés de la paysannerie (qui a constitué, au départ, le soutien logistique, et qui a fait preuve de complicité passive) en simplifiant la tâche des terroristes : les filles avec ou sans leurs consentement, étaient données (par les frères ou les pères) en mariage de jouissance. Elles rejoignaient les maquis où beaucoup d’entre elles ont connu plusieurs veuvages et remariages. De retour du maquis, elles se retrouvaient avec plusieurs enfants à charge (nés au maquis), issus de plusieurs mariages consécutifs à leurs veuvages répétitifs. Bien entendu, dans les maquis aussi, on se passait de leur consentement pour les remarier. En plus du rôle initial d’assouvir les besoins sexuels des terroristes, les tâches ménagères leur revenaient de droit.
Ensuite, la participation massive de cette même paysannerie aux présidentielles de 1995, et l’accord conclu entre l’armée régulière et certains groupes terroristes islamistes, pendant l’année 97, ont suscité la colère des groupes terroristes réfractaires.
Cela a eu pour conséquence l’attaque des GIA contre les villageois « traîtres », et contre les proches des terroristes qui ont décidé d’observer la trêve. Des centaines de jeunes femmes voilées et ou islamistes, ont été enlevées et violées, lors des grands massacres que connut la Mitidja.
Les femmes enlevées sont considérées comme un butin de guerre
Celles qui ont réussi à s’échapper ont pu témoigner des viols collectifs et répétitifs qu’elles ont subis par les islamistes armés pendant toute la période de leur capture. Ces viols étaient pratiqués contre les femmes enlevées, considérées comme butin de guerre, et utilisés comme arme de guerre contre la société algérienne impie.
En 1999, le président de la république, a décidé de tendre la main aux algériens qui se sont égarés du droit chemin, et qui pendant des années ont tué d’autres algériens pour le seul fait qu’ils ne partageaient pas leur projet obscurantiste, ou de ceux qui le dénonçaient par des moyens pacifiques.
Ainsi, une campagne en faveur de la concorde civile, a été menée par le président, relayé par les partis politiques islamistes, les partis conservateurs, ainsi que certains partis de gauche.
Aussi la loi portant concorde civile, promulguée le 13 juillet 1999, ensuite plébiscité par un semblant de référendum tenu le 16 septembre 1999, a accordé l’impunité à tous les terroristes qui ont été arrêtés ou qui se sont rendus au autorités dans un délai de six mois à compter de la date de la promulgation de ladite loi.
Le 10 janvier 2000, date d’expiration de la loi de concorde civile, le président décrète la grâce amnistiante au profit de tous les terroristes islamistes.
Le 27 février 2006, les textes d’application de la charte réconciliation nationale, consacrant l’impunité aux terroristes islamistes sont promulgués. Encore un texte en faveur des terroristes.
Ce même texte, consacre l’emprisonnement ferme de 3 à 5 ans et le paiement d’une amende de 250 000 à 500 000 DA contre les victimes qui, par leurs déclarations, écrits, ou autres, dénoncent ces injustices, ou revendiquent la justice, le devoir de vérité et le devoir de mémoire.
Ce que fait aujourd’hui notre association
Afin de lutter pour la mémoire des victimes assassinées, pour la vérité sur les victimes enlevées, pour la dignité des survivants, notre association a formé une coalition avec d’autres associations des victimes du terrorisme. Nous menons des actions communes en vue de défendre le devoir de mémoire, de justice, de vérité et de dignité. Nous avons préparé une conférence internationale autour de la justice transitionnelle qui devait se tenir le 7 et 8 février 2007 à Alger mais elle a été malheureusement interdite par les autorités.
Nous enregistrons de jour en jour toutes les politiques d’impunité accordée aux islamistes et à tous ceux qui sont coupables d’atteinte au droit à la vie depuis plus d’une décennie, et qui jouissent tranquillement de tous les droits en Algérie. En revanche, leurs victimes ciblées parmi les civils sont privées de leurs droits les plus élémentaires.
Je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler aux présents, que pendant les débuts de la décennie rouge, les amis de victimes de terrorisme se faisaient rares, et les islamistes, qui les ciblaient, les condamnaient publiquement, les exécutaient en présence de témoins, et revendiquaient leu crimes étaient blanchis par des intellectuels bien-pensants en occident.
Les ONG de défense de Droits Humains réservaient l’intitulé de victime et l’attribuait uniquement aux islamistes. Les victimes des G I A (victimes d’assassinat, d’enlèvement, de viol, et de déplacement, suite aux actes perpétrés par les terroristes islamistes) sont soupçonnées d’être les alliés des généraux.
Il faut une politique courageuse pour mettre fin à la violence intégriste!
Plus tard, les occidentaux ont reconnu que même si les islamistes sont les victimes de l’Etat, il est de notoriété publique que ces islamistes n’ont pas hésité à faire des femmes et des démocrates non islamistes, non armés et non protégés (ainsi que leurs proches), une cible privilégiée, particulièrement dans la Mitidja, région cruellement frappée par les assassinats, les massacres collectifs, les viols, les enlèvements, les tortures, les destructions des biens, le racket, et l’exode des familles vers les villes pour fuir la terreur.
Oui c’est cette terreur que nous avons vécue seuls et isolés, pendant toute une décennie, parce que la communauté internationale nous a tourné le dos pour nous faire payer notre rejet d’un Etat théocratique comme l’Iran, le Soudan, ou l’Afghanistan , au nom d’une hypothétique démocratie.
Enfin permettez moi de vous dire, que ni la lâcheté des institutions, ni la condamnations des actes terroristes par ces dernières, ne mettra fin à la violence intégriste, en l’absence de politiques courageuses à mener à l’échelle régionale et internationale contre l’utilisation de la religion à des fins politiques
Par: Cherifa Kheddar
Association Djazairouna des familles victimes du terrorisme
email: djazairouna2004@yahoo.fr
L’association compte 4000 adhérents tous victimes de terrorisme: victimes directes ou proches, ascendants, descendants, époux et collatéraux. Depuis sa création, l’association apporte dans la mesure de ses capacités humaines et financières, une aide matérielle et morale à l’ensemble de ses adhérents, ainsi qu’une assistance administrative, juridique, psychologique et médicale à une moyenne annuelle de 200 victimes.