Maroc: Femmes et discours religieux extremistes
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La Ligue Démocratique des Droits de la Femme (LDDF) Le Centre d’information et d’observation des femmes (CIOFEM), une émanation de la Ligue Démocratique des Droits de la Femme (LDDF) vient d’organiser à Casablanca le 26 janvier 2002 un colloque international sur le thème Femmes et discours religieux.
Au cours de ce colloque, les divers intervenants, ont souligné à la fois les points communs existant entre les intégristes, qu’ils soient musulmans, catholiques, juifs ou protestants et l’urgence qu’il y a aujourd’hui à réviser la Moudawana dans notre pays.
Cette manifestation d’ailleurs intervient au moment où la Commission royale se penche sur l’éventualité de réviser ce code inique, basée sur l’inégalité entre les hommes et les femmes.
Premier constat : plus les religions sont instrumentalisées par des groupes à des fins politiques, plus elles durcissent leur comportement envers les femmes. Aucune religion dans ce domaine n’a le monopole. Des Etas-Unis à l’Afghanistan en passant par les pays du Maghreb, les mêmes causes produisent partout les mêmes effets : l’intégrisme religieux va de pair avec le machisme. Les souffrances endurées par les femmes afghanes sont l’extrême pointe de l’horreur quotidienne vécue par beaucoup de celles qui composent « la moitié du ciel » .
Une jeune Afghane, membre de l’association RAWA (Révolutionnary Association of the Women of Afghanistan), a témoigné de l’horreur subie par les femmes au nom de Dieu : viols, séquestrations, manque de soins et d’éducation. Elle a d’ailleurs donné une conférence de presse qui a réuni de très nombreux journalistes, et au cours de laquelle elle a évoqué l’action sociale de Rawa et la difficile lutte que mènent les militantes pour informer, soigner, éduquer. L’une d’entre elles a été assassinée par les Taliban.
Deuxième constat : les discours des prêcheurs qui foisonnent un peu partout, sur nos marchés comme sur ceux du Vieux Continent, sont souvent le reflet de la haine que portent les intégristes musulmans à l’égard des femmes.
En voici quelques extraits diffusés par le CIOFEM : « on ne peut prétendre à l’égalité des sexes car les femmes manquent de raison et de religion »…. « la science a démontré que le cerveau masculin pèse en moyenne 100 gr de plus que le cerveau féminin »… Certains manuels scolaires entérinent hélas ce tissu de bêtises qui alimente le discours intégriste en abaissant les femmes plus bas que terre.
Troisième constat : l’intégrisme qui se développe dans les cités européennes est en pleine expansion. Exporté par des imams peu scrupuleux, il est d’autant plus nocif qu’il s’adresse le plus souvent à une jeunesse désorientée, qui cherche une identité dans la foi et qui ne trouve que haine et rejet de l’autre. Une députée de l’Assemblée européenne, Alima Boumediene, a d’ailleurs souligné combien il était urgent de former des imams compétents. Elle a également souligné que l’immigration maghrébine s’est largement féminisée en Europe depuis les années 80 : il ne s’agit pas de l’enfermer dans des schémas réducteurs, a-t-elle dit en substance. Pour elle, la laïcité est « une valeur de construction de la République ». Il n’est donc pas impossible de penser la laïcité en terre musulmane, car « la laïcité ne se construit pas contre les religions, mais avec elles ».
De plus, « le droit international existe, il faut l’utiliser » pour aider les femmes à accéder à l’égalité des droits, car « les droits humains ne sont ni entamables ni négociables » pour les deux sexes.
Une autre intervenante, Françoise Kayser, membre du bureau de l’association Femmes contre les intégrismes, est revenue sur le danger que représentent les discours intégristes qui fleurissent en France –« un discours relayé par des pratiques discriminantes pour les femmes » avant d’expliquer comment les codes de statut personnel pouvaient s’exporter, via des conventions bilatérales entre la France et les pays du Maghreb. Autrement dit, il arrive que des femmes issues de l’immigration soient soumises malgré elles aux codes de leurs pays d’origine, sur le sol français et dans différents pays de l’Union européenne. Un guide édité par l’association donne tous les conseils nécessaires pour éviter de tomber dans ce piège. Mais il reste beaucoup à faire, en Europe comme au Maghreb, pour briser le mur du silence qui condamne les femmes, voire de très jeunes-filles, à des mariages forcés, à des répudiations, etc..
Quatrième constat : la modernité n’est pas incompatible avec la religion, a souligné Soheib Bencheik, grand mufti de Marseille. A condition, dit-il, de « désacraliser le fikh ». En effet, il a été conçu pour un siècle et une société qui ne sont plus les nôtres. « Le Coran, ajoute-t-il, passe aujourd’hui nécessairement par une intelligence marquée par le souci de son époque ».
Pour éclairer son discours, Soheib Bencheik donne cet exemple : « il est conseillé aux enfants d’apprendre l’équitation, la natation et le tir à l’arc ». Qui peut suivre ce conseil aujourd’hui, hormis quelques privilégiés ? Il faut transposer ce conseil à notre époque, et apprendre, comme il le fait lui-même avec sa fille, l’informatique et les langues vivantes.
Hubert Hannoun, un universitaire d’origine juive, né en Algérie, a souligné combien il lui était facile de transposer le discours de Soheib Bencheik à propos de la religion hébraïque. La Torah, pas plus que le Coran, ne peut être interprétée comme « une compilation de sentences » comme veulent le faire croire les intégristes juifs.
« Il faut consolider une interprétation neuve, une herméneutique de l’Islam, et en finir avec des versets sortis de leur contexte » a remarqué pour sa part le chercheur universitaire tunisien, Abdelmajid Chorfi. Il a insisté sur l’idée qu’il faut « dégager l’interprétation du message prophétique des couches accumulées à travers les siècles ». Cela peut se faire avec l’appui de tous car le discours islamiste n’a pas de plate-forme théorique solide. « L’Islam a besoin non seulement d’interprétations neuves, mais d’un corpus théorique pour lui permettre d’évoluer avec son temps ».
Idriss Hammadi, auteur de plusieurs ouvrages sur l’Islam et docteur du Chariâa, a rappelé que l’Islam a pour objectif final la justice et l’équité : « l’équité est la base d’interprétation du Coran » dit-il. Ses propos ont été dernièrement repris en partie par les intégristes concernant le partage des biens accumulés au cours du mariage en cas de divorce alors qu’ils y étaient opposés. Mais ils sont encore loin de l’interprétation évolutive, basée sur l’équité et la levée de l’injustice.
Il reste beaucoup à faire en Europe comme au Maghreb, nous l’avons vu concernant l’intégrisme islamique, mais aussi dans tout l’Occident où les extrémistes des autres religions monothéistes sont actifs. Une chercheuse, Fiammetta Venner, a détaillé la condition qui est faite aux femmes dans les milieux traditionnalistes catholiques : « l’ordre naturel selon ces milieux assigne aux hommes et aux femmes une hiérarchie » d’où elles sont « naturellement » exclues. Rappelons que la femme est sortie d’une côte de l’homme selon la tradition biblique …« L’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ; l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme ».
Une autre chercheuse française, Caroline Fourest, vient de publier un livre sur la droite religieuse protestante aux USA. Nous avons ainsi appris que ce mouvement très conservateur cherche à revenir sur les acquis des femmes (notamment en ce qui concerne l’avortement, celui-ci étant autorisé depuis 1973). Les activistes ne se contentent pas de diffuser leurs idées. Le meurtre d’un médecin gynécologue est à mettre sur leur compte. Ils ont aussi ont été attaqué à l’anthrax quelque cent-vingt centres américains de planning familial ces dernières années. Là encore, on constate la proximité des discours des extrémistes des différentes religions, qui n’hésitent pas à passer aux actes, jusqu’aux meurtres de leurs adversaires.
Premier constat : plus les religions sont instrumentalisées par des groupes à des fins politiques, plus elles durcissent leur comportement envers les femmes. Aucune religion dans ce domaine n’a le monopole. Des Etas-Unis à l’Afghanistan en passant par les pays du Maghreb, les mêmes causes produisent partout les mêmes effets : l’intégrisme religieux va de pair avec le machisme. Les souffrances endurées par les femmes afghanes sont l’extrême pointe de l’horreur quotidienne vécue par beaucoup de celles qui composent « la moitié du ciel » .
Une jeune Afghane, membre de l’association RAWA (Révolutionnary Association of the Women of Afghanistan), a témoigné de l’horreur subie par les femmes au nom de Dieu : viols, séquestrations, manque de soins et d’éducation. Elle a d’ailleurs donné une conférence de presse qui a réuni de très nombreux journalistes, et au cours de laquelle elle a évoqué l’action sociale de Rawa et la difficile lutte que mènent les militantes pour informer, soigner, éduquer. L’une d’entre elles a été assassinée par les Taliban.
Deuxième constat : les discours des prêcheurs qui foisonnent un peu partout, sur nos marchés comme sur ceux du Vieux Continent, sont souvent le reflet de la haine que portent les intégristes musulmans à l’égard des femmes.
En voici quelques extraits diffusés par le CIOFEM : « on ne peut prétendre à l’égalité des sexes car les femmes manquent de raison et de religion »…. « la science a démontré que le cerveau masculin pèse en moyenne 100 gr de plus que le cerveau féminin »… Certains manuels scolaires entérinent hélas ce tissu de bêtises qui alimente le discours intégriste en abaissant les femmes plus bas que terre.
Troisième constat : l’intégrisme qui se développe dans les cités européennes est en pleine expansion. Exporté par des imams peu scrupuleux, il est d’autant plus nocif qu’il s’adresse le plus souvent à une jeunesse désorientée, qui cherche une identité dans la foi et qui ne trouve que haine et rejet de l’autre. Une députée de l’Assemblée européenne, Alima Boumediene, a d’ailleurs souligné combien il était urgent de former des imams compétents. Elle a également souligné que l’immigration maghrébine s’est largement féminisée en Europe depuis les années 80 : il ne s’agit pas de l’enfermer dans des schémas réducteurs, a-t-elle dit en substance. Pour elle, la laïcité est « une valeur de construction de la République ». Il n’est donc pas impossible de penser la laïcité en terre musulmane, car « la laïcité ne se construit pas contre les religions, mais avec elles ».
De plus, « le droit international existe, il faut l’utiliser » pour aider les femmes à accéder à l’égalité des droits, car « les droits humains ne sont ni entamables ni négociables » pour les deux sexes.
Une autre intervenante, Françoise Kayser, membre du bureau de l’association Femmes contre les intégrismes, est revenue sur le danger que représentent les discours intégristes qui fleurissent en France –« un discours relayé par des pratiques discriminantes pour les femmes » avant d’expliquer comment les codes de statut personnel pouvaient s’exporter, via des conventions bilatérales entre la France et les pays du Maghreb. Autrement dit, il arrive que des femmes issues de l’immigration soient soumises malgré elles aux codes de leurs pays d’origine, sur le sol français et dans différents pays de l’Union européenne. Un guide édité par l’association donne tous les conseils nécessaires pour éviter de tomber dans ce piège. Mais il reste beaucoup à faire, en Europe comme au Maghreb, pour briser le mur du silence qui condamne les femmes, voire de très jeunes-filles, à des mariages forcés, à des répudiations, etc..
Quatrième constat : la modernité n’est pas incompatible avec la religion, a souligné Soheib Bencheik, grand mufti de Marseille. A condition, dit-il, de « désacraliser le fikh ». En effet, il a été conçu pour un siècle et une société qui ne sont plus les nôtres. « Le Coran, ajoute-t-il, passe aujourd’hui nécessairement par une intelligence marquée par le souci de son époque ».
Pour éclairer son discours, Soheib Bencheik donne cet exemple : « il est conseillé aux enfants d’apprendre l’équitation, la natation et le tir à l’arc ». Qui peut suivre ce conseil aujourd’hui, hormis quelques privilégiés ? Il faut transposer ce conseil à notre époque, et apprendre, comme il le fait lui-même avec sa fille, l’informatique et les langues vivantes.
Hubert Hannoun, un universitaire d’origine juive, né en Algérie, a souligné combien il lui était facile de transposer le discours de Soheib Bencheik à propos de la religion hébraïque. La Torah, pas plus que le Coran, ne peut être interprétée comme « une compilation de sentences » comme veulent le faire croire les intégristes juifs.
« Il faut consolider une interprétation neuve, une herméneutique de l’Islam, et en finir avec des versets sortis de leur contexte » a remarqué pour sa part le chercheur universitaire tunisien, Abdelmajid Chorfi. Il a insisté sur l’idée qu’il faut « dégager l’interprétation du message prophétique des couches accumulées à travers les siècles ». Cela peut se faire avec l’appui de tous car le discours islamiste n’a pas de plate-forme théorique solide. « L’Islam a besoin non seulement d’interprétations neuves, mais d’un corpus théorique pour lui permettre d’évoluer avec son temps ».
Idriss Hammadi, auteur de plusieurs ouvrages sur l’Islam et docteur du Chariâa, a rappelé que l’Islam a pour objectif final la justice et l’équité : « l’équité est la base d’interprétation du Coran » dit-il. Ses propos ont été dernièrement repris en partie par les intégristes concernant le partage des biens accumulés au cours du mariage en cas de divorce alors qu’ils y étaient opposés. Mais ils sont encore loin de l’interprétation évolutive, basée sur l’équité et la levée de l’injustice.
Il reste beaucoup à faire en Europe comme au Maghreb, nous l’avons vu concernant l’intégrisme islamique, mais aussi dans tout l’Occident où les extrémistes des autres religions monothéistes sont actifs. Une chercheuse, Fiammetta Venner, a détaillé la condition qui est faite aux femmes dans les milieux traditionnalistes catholiques : « l’ordre naturel selon ces milieux assigne aux hommes et aux femmes une hiérarchie » d’où elles sont « naturellement » exclues. Rappelons que la femme est sortie d’une côte de l’homme selon la tradition biblique …« L’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ; l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme ».
Une autre chercheuse française, Caroline Fourest, vient de publier un livre sur la droite religieuse protestante aux USA. Nous avons ainsi appris que ce mouvement très conservateur cherche à revenir sur les acquis des femmes (notamment en ce qui concerne l’avortement, celui-ci étant autorisé depuis 1973). Les activistes ne se contentent pas de diffuser leurs idées. Le meurtre d’un médecin gynécologue est à mettre sur leur compte. Ils ont aussi ont été attaqué à l’anthrax quelque cent-vingt centres américains de planning familial ces dernières années. Là encore, on constate la proximité des discours des extrémistes des différentes religions, qui n’hésitent pas à passer aux actes, jusqu’aux meurtres de leurs adversaires.